Diaporama "la Folie et la Grâce" de Nycéphore Burladon"
La folie et la grâce
Notes sur une installation de Gwen Gérard
Entrer.
C’est d’abord l’écran. Puis l’image en retour, un duel d’ombres s’engage, celle
qui sourd, à basse intensité, attend, juste et sobre contour, sans grains, sans
traits, sans je, sans voix, et la vôtre, qu’on imagine passée au tamis du lin,
de son sable de lumière, à contre-sens et contre-temps de sa courbe spectrale,
passée, déjà, de l’autre côté du miroir, et en allée butter sur les capitons,
les cerceaux blancs qui servent à tenir les débords improbables du corps, ou
sur la pièce à sons.
Et douze
apôtres de lumière. Leurs têtes de coptes fatigués. La grâce en chacun d’un
aleph improbable. Chaque lueur est un nom. Et les mémoires ? Il y a douze
apôtres, mais quatre évangiles. Il y a douze lanternes, et quatre paroles.
Quatre canons de l’enténèbrement. De la plus grande singularité. C’est qu’on
encamisole rudimentaire quand trop de singulier se met en vibration. Un vrai
bourdon, parfois, un territoire sans marque, une erre infinie.
Et s’installe
soudain ce paradoxe sous l’œil, celui de la tête folle et de sa mousseline, des
pensées agitées, des phases fébriles et de leur douce somnolence, une et leur
multiple, du bruit, de la violence, de sa logique privative, du langage
séquestré. Thème – et preuve de la difficulté. Comment nommer ? Les
catégories s’arrangent pour ombrer, comme elles cherchent à localiser. L’ombre,
elle, quand on est au piémont de l’âme, donne à voir. Elle est survie projetée.
Croyance, au moins, du survivre. Ou de la métamorphose. Celle qui dans le
caillou craint le minotaure. Dans le moineau anticipe le tonnerre. Dans l’air
disperse les cendres. C’est le pari sans métaphore de ces capsules, de
l’anti-forme de ces doublures, leurs filandres, leurs sangs cardés. Quatre, cette
fois, comme il y en a trois ailleurs qui ont la grâce d’une renaissance. Trois
corps contourés et pleins en torsade : les cariatides du miroir rouge. Le
cri, et les chuchotements. Les sœurs, et ce tesson qui passe et lacère
l’intime. En pleine lumière. Et on ne voit pas. Et puis ces quatre femmes-fil,
dans leur ombre. Explore-t-on leur symbole ? Leur expansive
minimalité ? Femmes flottantes et murales dans le même temps, dont on
reste à investiguer la pulsion. La façon dont ça se noue dans leur dos. Les points de repli. Leurs broderies. Le
soin et le vertige. Comment le sang leur coule.
Un
transfert, un agencement. Eva Hesse et Georges de La Tour. Leur rencontre de
jute. Ou de lin. D’autres noms viennent aussi. Mais les figures sont en
absence. Elles dérivent, flux, immatériel sonore retenu par la projection.
Comme une chambre à fantasme. Un coffre à secrets. Une tête hermétique et tant
peuplée. Son, sang, sable : les qualités premières de ceux qui partent.
Encore
ceci. Un schéma mystique, sans le support de foi. Umbrae est à l’homme, ce que lumen
est à l’ange, lux à Dieu – et tenebrae à l’animal. Un déplacement.
Dans
l’ombre n’a pas d’antithèse.
Nycéphore Burladon
1/03/2012
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